Avant-propos

Il y a des poussées, qui vous saisissent dans l’au-dedans… Vous dilatent l’intérieur, vous élargissent au plus généreux de vous-même, compriment, s’il le fallait, le peu de ce qui vous encombre, et vous cambrent aussi fort que vous résistez alors…Il en est ainsi des naissances. Il en est ainsi de la poussée du printemps dans la branche endormie de l’hiver. Il en est ainsi dans ma vie d’homme. Aussi. Je suis d’une espèce qui offre deux floraisons à sa course et mon second printemps me fait croître sur une branche de vie jusque là insoupçonnée… Celle de l’écriture, qui parfois s’habille de poésie.Sous la cognée de La grande histoire, le bois s’est livré, dans une plaie dont toi aussi as été témoin. Ce 13 novembre 2015, alors que se meurtrissaient nos chairs d’âmes au Bataclan, j’en entendu battre dans mes tempes le cœur du monde. Comme on entend son propre cœur. Sourd. Sourd et lourd. Alors, l’écorce s’est fendue dans le percement du bourgeon ! Et toute la Tendresse pour le Monde jusque là retenue en moi, trouva dans l’écriture nouvelle saillie pour se répandre… C’était l’heure. C’est ainsi : les Printemps se préparent toujours, à l’heure des Hivers… S’en est suivi, de petits pas en petits pas, teintés de fidélité aux appels reçus en moi, s’en est suivi deux décisions. Majeures et radicales pour moi : celle de faire de l’écriture ma nouvelle vie professionnelle. D’en vivre. Et celle de l’offrir. D’expérimenter d’autres logiques que les logiques marchandes du monde. D’offrir l’énergie du don. D’abord parce que le Don est l’Essence même de l’Homme, et qu’il est l’heure pour nous de devenir ce que nous sommes. Ensuite parce que je perçois combien la racine des déséquilibres de nos sociétés est la peur qui étrique nos relations et cherche à nous rassurer dans le faux équilibre du « don-contredon ». Un équilibre qui engendre nos déséquilibres sociétaux. Et si on tentait l’inverse ? La folie du déséquilibre ? Ce livre est une audace : vivre de don, d’abandon et d’abondance. Je donne l’intégralité de mes droits d’auteur au profit de diverses causes amies, et lance à l’univers dont tu fais partie un appel à prendre soin de mes besoins matériels. Pour moi et les miens. Gratitude, que j’exprime en fin d'ouvrage envers chacun de ceux qui ont participé financièrement ou en nature, à l’existence de ce premier « livre-don ».Puis, ce fut le temps de l’écriture. C’est beau l’écriture. C’est comme un grattoir où s’enflamment les allumettes de notre histoire. J’ai voulu y frotter mon nom, apposer dessus ma signature... Alors jaillirent des étincelles. Et les mots se firent brûlure d’âme, les silences devinrent nourriture… J’ai cru que c’était moi qui enlaçais les mots dans les phrases. Donc, ils m’enlacèrent... Leur seule tendresse m’enseigna que l’Essentiel se cueille ailleurs : dans le Vide que dessinent les mots entre eux. La poésie est un pochoir pour repeindre la vie aux couleurs de nos intérieurs. Et le poète se laisse surprendre à laisser les mots s’enchâsser. Dessiner. Ou bien danser. Oui, j’ai appris à danser avec eux. J’ai appris à aimer. Surtout, à aimer ! C’est la seule finalité de mon écriture : me laisser guider par la tendresse et me faire caresse avec la plume. A l’heure où j’écris ces lignes, dans les derniers préparatifs avant sa parution, une émotion m’étreint… Une de ces émotions qui se logent dans la poitrine, et vous rappellent combien lorsque vous aimez, tout votre corps participe à ce que vous vivez… Oui, j’ai aimé. Je t’ai aimé. Intensément. Je sais, c’est peu conventionnel de l’écrire ainsi. Ou de le lire pour toi, surtout si on ne se « connait pas », du moins au sens où l’entend le monde… C’est depuis le cœur que j’ai écris. Les mots ne sont pas toujours de moi, ils viennent de plus loin. D’aussi loin que j’ai pu enraciner mon verbe dans les profondeurs de l’Amour… Ils m’ont émondé, enseigné, pétri. Je te les offre puisque je les ai moi-même reçus. A eux de faire voyage en toi. Ils sont nés pour ça.Dialogue avec le Printemps est ma première candeur. C’est un dialogue. Comme dans une répétition de pièce de théâtre au lycée : ne sont portées là que les répliques du Printemps. Les tiennes sont dans le blanc des pages et les silences qui l’entourent. Un dialogue, c’est vivant, interactif, bouillonnant, mélodieux et agissant à la fois. Parce qu’on est deux. Et que du « deux » peut naître le « trois »...Dialogue avec le Printemps est ma première infusion. Certains parlent de diffusion pour un livre. Je préfère me croire une senteur aimante qui se répand dans la bonne tasse d’eau chaude des jours qui coulent. Le temps sera notre ami, à tourner et retourner mes mots dans ses doigts d’orfèvre, les porter à la lumière de ton regard, questionner ton cœur pour savoir à quelle place les poser, et finalement, les sertir là où tu les retrouveras dans ton quotidien. Principe de l’infusion qui diffuse, alors...Il y a quelque chose comme d’un mantra dans Dialogue avec le Printemps... Il y a les mots. Les mots et leur signification. Il y a « l’entre-les-mots » : les vides et les silences, les espaces qui se déplient pour que tu t’y déploies. Il y a les sons. Enfin. Avec leurs vibrations et les résonnances qui se propagent jusque dans le corps. Et puis... Au-delà, au-dedans de tout cela, il y a comme une musique. Un rythme qui danse et cadence. Je crois que les mots sont des notes et qu’ils chantent une mélodie qui vient d’ailleurs. Comme le bercement d’une mère ou le ressac d’une marée... Ainsi en est-il du va et vient de la vie. De l’enfantement. Et du Printemps...Le Printemps est un mystère. Poussée de vie. Tendre et puissante en même temps. Aimante aussi. Être au printemps, c’est s’allonger au crépuscule dans un champ gris et morne et se réveiller à l’aube au milieu d’épis gorgés de leurs promesses accomplies. Je crois que nous sommes à l’heure du printemps pour l’humanité et qu’une grande transformation opère au-dedans de nous. Epiphanie collective de la conscience dans ce champ d’humanité labouré par quelques millénaires d’évolution, ensemencé de nos graines humaines.Et l’alchimie du printemps commence par l’éclosion de chacune de nos vies. Toi et moi ne sommes encore que bourgeons. Bourgeons que tout appelle à devenir fleurs. Prendre le chemin de la fleur, c’est quitter les certitudes du bourgeon avec ses écailles qui protègent. Devenir fleur, c’est prendre le chemin de la vulnérabilité. Chemin d’audace. Celui de la vie.J’ai joie à cheminer avec toi, sur ce chemin.Que soit Le Printemps !Pour toi.Pour moi.Et pour ce grand champ du monde...